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Je me contenterai de l’ale, car elle adoucit ma toux.

Il vida à moitié la cruche, toujours en ayant un œil sur moi pendant qu’il buvait.

— Voyons la lettre, dit-il.

Je lui répondis que la lettre était pour M. Balfour, et non pour lui.

— Et qui donc croyez-vous que je sois ? dit-il. Donnez-moi la lettre d’Alexandre.

— Vous connaissez le nom de mon père ?

— Il serait bien étrange que je l’ignore, répliqua-t-il, puisqu’il était mon propre frère. Et si peu satisfait que vous paraissiez de ma maison ou de moi-même, ou de ma bonne soupe, je suis votre propre oncle, David, mon garçon, et vous êtes bel et bien mon neveu. Ainsi donnez-moi la lettre, asseyez-vous et remplissez votre assiette.

Si j’avais été de quelques années plus jeune, une telle confusion, un pareil désappointement, un tel ennui m’auraient fait fondre en larmes.

Dans ma situation actuelle, je ne pus trouver de mots d’aucun genre.

Je lui tendis la lettre et m’assis devant la soupe avec aussi peu d’appétit pour manger que n’en eut jamais un jeune homme.

Pendant ce temps, mon oncle, se penchant sur le feu, tournait et retournait la lettre entre ses mains.

— Savez-vous ce qu’elle contient ? me demanda-t-il soudain.

— Vous pouvez voir vous-même, monsieur, lui dis-je, que le cachet n’en a point été brisé.

— Oui, dit-il, mais qu’est-ce qui vous a amené ici ?

— J’avais à remettre cette lettre.

— Non, fit-il malicieusement, vous avez dû compter sur autre chose, sans aucun doute.