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art, et pour ainsi dire, au hasard. Stevenson qui, malgré son brillant, n’avait ni les ressources multiples de Scott, ni son imagination luxuriante, récoltait des matériaux par un labeur immense, les triait minutieusement, et quand il se décidait à en faire usage, n’avait de repos qu’il ne fût arrivé à leur donner la place la plus appropriée, à mettre chaque détail sous le jour le plus avantageux. Aucun de ses joyaux n’est un diamant brut. Chaque gemme est taillée, polie, autant qu’elle peut l’être, et sertie dans un or du travail le plus rare et le plus savant. Mais ayant jusqu’en ses moindres fibres conscience de son art, Stevenson était beaucoup trop avisé pour ne point s’avouer incapable d’atteindre à la hauteur où s’était élevé Scott, pour ne point se reconnaître incapable d’une création comme le baron de Bradwardine, comme l’Antiquaire, comme Jeanne Deans, incapable de combiner un chef-d’œuvre d’intrigue comme l’est celle de Guy Mannering.

Stevenson parlait donc de Scott comme du Roi qui règne de haut et de loin sur les romanciers, « qui possédait au même degré que Balzac et le Thackeray de la Foire aux vanités, le pinceau du véritable créateur ». En même temps, c’est à peine s’il reconnaissait un artiste en Walter Scott. Il déclare par exemple que Le Pirate est « un livre mal écrit, déguenillé ». Il présente Scott comme un écrivain qui s’est assigné la tâche mercenaire de déverser sur ses lecteurs un flot de bavardage languissant et flou, un écrivain qui écrit en mau-