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sauvage, ou de croyance superstitieuse, je remontais le courant de l’histoire de mes pères, et j’y trouvais ce qu’il me fallait dans quelque trait d’un état d’égale barbarie. Michael Scott, la tête de Lord Derwenwater, la seconde vue, le Kelpie des eaux, tout cela était pour ma pêche une amorce infaillible. La tête du taureau noir de Stirling me fit trouver la légende de Rahero. Ce que je savais de Cluny Macpherson ou des Stewarts d’Appin me permit d’apprendre et de comprendre les Tevas de Tahiti. L’indigène cessa d’éprouver de la confusion ; son sentiment de parenté se réchauffa et ses lèvres s’ouvrirent. C’est ce sentiment de parenté que le voyageur doit faire naître et partager ; sans cela il fera mieux de se contenter de voyager du lit bleu au lit marron »[1].


Ce sentiment de parenté, Stevenson le ressentait pleinement, et de leur côté aussi, les Canaques en éprouvaient quelque chose. Stanislas, le fils de la reine Vaekeku, l’ancienne reine cannibale, devenue la compagne des sœurs, lui disait : « Ah ! vous devriez rester ici, mon cher ami. Vous êtes les gens qu’il faut pour les Canaques. Vous êtes doux, vous et votre famille. Vous seriez chéris dans toutes les îles. » Partout il en fut de même.

Stevenson avait la compréhension de l’âme indigène, mais il savait aussi comprendre les missionnaires, les demi-sang et les trafiquants blancs. Prêtres, frères-lais, gouverneurs, gendarmes devenaient ses amis. Les pandores des Marquises lui contèrent bien des épisodes curieux de la guerre de 1870 et, lui, leur dit l’histoire de Gordon, le siège de Lucknow, la bataille de Cawnpore. Le

  1. Dans les Mers du Sud, p. 14.