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tablier décoloré. Mais la malpropreté ne semblait que prouver son désir de mieux employer chaque minute. Évidemment toutes ces choses avaient été mises là à la portée du malade, non pas en cas qu’il en eût besoin, mais pour répondre à une nécessité actuelle et pressante. Malade comme il l’était, Stevenson avait lu, et écrit, et fumé comme Saint-Gaudens l’avait modelé. Son corps était mal en point, mais son esprit était plus brillant, plus curieux, plus ardent, plus sain, plus alerte que celui d’aucun autre mortel.


Il rêvait alors voyager en mer. Il venait de toucher 3.000 livres de l’héritage paternel. Pouvait-il rêver un meilleur placement qu’une croisière dans les mers du Sud. « Si l’affaire manque, 2.000 livres sont perdues, écrivait-il à un intime, et je crois que je ne puis mieux les employer ; d’autre part je recouvre la santé. » Il avait reçu de MM. Mac Clure des offres très libérales pour une série de lettres sur ses excursions dans le Pacifique. L’important était de ne faire que traverser San-Francisco que Stevenson avait en horreur[1]. Tout bien

  1. Voir comment Stevenson décrit San-Francisco à cette époque : « Il y a des quartiers de bandits où il est dangereux d’aller la nuit, des caves où se donnent des spectacles, et que le chercheur de plaisirs qui est prudent préfère éviter. Le port d’armes cachées est prohibé mais la loi est violée continuellement. Un directeur de journal a été tué raide d’un coup de feu pendant mon séjour ici, un autre circulait dans les rues en compagnie d’un bravo, son ange gardien. J’ai mangé tranquillement des huîtres dans un restaurant et dans ce restaurant même, dix minutes à peine après mon départ, il s’échangeait des coups de feu qui ont porté. J’ai vu un homme qui, posté à un coin de rue, épiait attentivement, en tenant à la main derrière son dos un long Smith-Wesson qui brillait. Quelqu’un l’avait offensé de je ne sais quelle manière, et il l’attendait