Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/380

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Chacun était allé à ses propres affaires, et quand quatre heures sonnèrent, Torrance avait bu un verre et ne reconnaissait plus son maître.

De mon côté, j’avais oublié mes lunettes, et sans elles, j’y voyais si peu que, je vous donne ma parole, je ne reconnaissais pas mon propre clerc.

Et sur ces mots, il se mit à rire avec bonhomie.

Je lui dis que c’était là un singulier hasard, et je souris par politesse, mais ce qui m’étonna le plus, ce fut que pendant toute l’après-midi, il revint avec insistance sur cette histoire.

Il la conta avec de nouveaux détails et en riant toujours, si bien qu’à la fin, je perdis tout à fait contenance, et me sentis tout confus de la manie de mon ami.

Vers le moment dont j’étais convenu avec Alan, nous sortîmes de la maison, M. Rankeillor et moi, bras dessus, bras dessous, suivis de Torrance qui portait l’acte dans sa poche, et au bras un panier fermé.

Pendant tout le trajet dans la ville, le légiste ne cessa de rendre des saluts à droite et à gauche, et il fut maintes fois arrêté par des gentilshommes qui voulaient le consulter sur des affaires municipales ou personnelles, et je pus voir qu’il jouissait d’une grande considération dans le comté.

Enfin, nous arrivâmes hors des maisons, pour suivre les bords du port ; et nous parvînmes ainsi à l’auberge de Hawes, au quai du lac, où avait eu lieu ma mésaventure.

Je ne pus regarder sans émotion cet endroit en me souvenant combien de gens avaient passé de vie à trépas depuis cette époque : Rançon enlevé, du moins je l’espérais, à un avenir de souffrance, Shuan parti pour un endroit où ma pensée n’osait le suivre, et les pau-