Nous nous étendions tour à tour sur le roc nu, et nous nous trouvions véritablement dans la situation de ce saint martyr qui fut rôti sur un gril.
Je ne pus m’empêcher de songer combien il était étrange que dans le même climat, et seulement à quelques jours de distance, j’aie souffert aussi cruellement, d’abord du froid sur mon îlot, et maintenant, de la chaleur sur ce rocher.
Pendant tout ce temps-là, nous n’avions pas d’eau, nous n’avions à boire que de l’eau-de-vie pure, ce qui était pire que de ne rien boire, mais nous tenions la bouteille aussi fraîche que possible et en l’enterrant dans le sol. Nous éprouvâmes quelque soulagement à nous en humecter la poitrine et les tempes.
Tout le long du jour, les soldats continuèrent à aller et venir au fond de la vallée, soit qu’on relevât les sentinelles, soit que des patrouilles se missent en chasse à travers les rochers.
Ces rochers étaient semés en tel nombre que chercher des hommes dans ce dédale revenait à chercher une aiguille dans une botte de foin, et l’inutilité de cette besogne les rendait d’autant plus négligents à l’accomplir.
Pourtant, nous voyions les soldats enfoncer leur baïonnette dans l’épaisseur de la bruyère, ce qui me pénétrait jusqu’au cœur d’un frisson glacial, ou bien ils rôdaient parfois autour de notre rocher, au point que nous osions à peine respirer.
Ce fut en ces circonstances que j’entendis pour la première fois parler la vraie langue anglaise.
Un des soldats appliqua le plat de la main à la surface de notre rocher du côté chauffé par le soleil, et la retira aussitôt avec un juron.
« J’t’r’ponds qu’ c’est c’aud », dit-il.