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de théâtre, car non seulement elles furent conçues d’abord sous l’influence fortifiante du vieux Dumas, mais elles ont eu, elles, la chance de ressusciter. L’une d’elles, étrangement améliorée par une autre main, parut même sur la scène et fut jouée par des acteurs en chair et en os. Quant à l’autre, connue sous le nom premier de Sémiramis, tragédie, je l’ai retrouvée aux étalages des libraires sous le faux nom de Prince Otto. J’en ai dit assez pour montrer par quels artifices de travestissement, par quels efforts tenant uniquement de la ventriloquie, je vis pour la première fois mon verbe sur le papier.

« C’est ainsi, que vous l’aimiez ou non, que l’on apprend à écrire ; c’est la vraie méthode, que j’y aie réussi ou non. Ce fut ainsi que s’instruisit Keats, et il n’y eut jamais plus beau tempérament littéraire que celui de Keats…

« Le trait caractéristique de ces imitations, c’est que brille à une distance, que ne peut atteindre l’élève, son inimitable modèle. Qu’il s’évertue autant qu’il voudra, il est certain d’échouer et un proverbe aussi ancien que juste affirme que l’insuccès est la seule grande route qui mène au succès. Je dois avoir quelque disposition à m’instruire, car je condamnais mes œuvres en parfaite connaissance de cause. J’éprouvais, certes, quelque plaisir en les écrivant, mais quand elles étaient terminées, je voyais fort bien qu’elles n’étaient bonnes qu’à jeter au panier. En conséquence, je les montrais très rarement à mes amis, et ceux que j’ai pris pour confidents, j’avais dû les bien choisir, car ils eurent l’amitié de me parler très franchement. « Remplissage », disait l’un. « Je n’arrive pas à comprendre, m’écrivait un autre ; pourquoi faites-vous d’aussi mauvaises poésies lyriques ? » Et moi qui faisais de mon mieux ! Trois fois je m’exposai à une rebuffade plus autoritaire encore en envoyant un article à un magazine. Ces articles me furent renvoyés, ce dont je ne fus ni surpris ni peiné. Si on ne les avait même pas examinés, puisqu’on les prenait pour des travaux d’amateur, comme je m’en doutais bien, il était inutile de recommencer