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Il le décida à me prendre à son bord, car c’était une de ses ouailles.

Cela m’épargna une longue journée de voyage et le prix de deux bacs publics qu’il m’aurait fallu employer.

Il était environ midi quand nous partîmes.

C’était un jour sombre, chargé de nuages, et le soleil n’éclairait que de petites surfaces.

La mer en cet endroit était très profonde, très calme ; il s’y formait à peine une vague, de sorte qu’il me fallut porter de cette eau à mes lèvres pour me convaincre que c’était vraiment de l’eau salée.

Les montagnes des deux rives étaient hautes, rudes et nues, très noires et très sombres sous l’ombre des nuages, mais couvertes comme d’un réseau d’argent formé par de petits filets d’eau qui reflétaient le soleil.

Elle avait l’air d’une âpre contrée, cette contrée d’Appin, pour que les gens l’aimassent autant que faisait Alan Breck.

Il n’y eut qu’un incident à mentionner.

Un peu après notre départ, le soleil donna sur une petite tache mobile d’un rouge écarlate, qui longeait la rive.

Ce rouge-là ressemblait beaucoup à celui des uniformes de soldats : de temps à autre aussi, on distinguait de petites étincelles, de courts éclairs comme si le soleil avait été reflété par le brillant de l’acier.

Je demandai à mon batelier ce que cela pouvait être.

Il me répondit qu’il supposait que c’était une partie de la garnison du fort William qui marchait sur Appin contre les pauvres fermiers du pays.

Ah ! c’était un triste spectacle pour moi, et soit que je pensasse à Alan, soit par quelque instinct prophétique qui surgissait au fond de mon âme, bien que ce