Mais c’était fermer la porte de l’écurie après que le cheval s’est échappé !
J’avais quitté le rivage de Queen’s ferry avec cinquante livres environ ; je ne retrouvai plus que deux guinées et un shelling d’argent.
Il est vrai que plus tard je ramassai une troisième guinée, qui brillait sur du gazon.
Cela faisait une fortune de trois livres et quatre shelling, en monnaie anglaise, pour un jeune garçon qui était l’héritier légitime d’un domaine, et qui alors mourait de faim sur une île, à l’extrémité la plus lointaine des sauvages Highlands.
Cet état de mes affaires me rendit quelque entrain.
À vrai dire, ma situation en cette troisième matinée était vraiment pitoyable.
Mes habits commençaient à s’en aller par lambeaux ; mes bas surtout étaient absolument usés, de sorte que mes jambes étaient à nu. Mes mains étaient tout à fait ramollies par l’humidité continuelle, et mon cœur se soulevait si violemment contre l’horrible subsistance que j’étais condamné à manger, que j’avais des nausées rien qu’en la regardant.
Et cependant je devais souffrir pis que tout cela.
Il y avait dans le nord-ouest d’Earraid, un rocher d’une assez grande élévation.
Comme son sommet était plat et que de là on dominait le détroit, j’y passais la plus grande partie de mon temps, bien que je fusse incapable de rester longtemps au même endroit, excepté pendant mon sommeil, car ma misère ne me laissait aucun repos.
En réalité, je m’épuisais en continuelles allées et venues sous la pluie.
Mais, dès le lever du soleil, je m’étendis sur le sommet de ce rocher, pour me sécher.