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Les voiles faisaient grand bruit, le vent chantait, l’écume voltigeait au clair de lune, et la sensation du danger était telle que, je crois, la tête m’avait tourné, car je me rendais à peine compte de ce que je voyais.

Bientôt j’aperçus M. Riach et les matelots occupés autour de l’esquif. Toujours inconscient, je courus à leur aide, et dès que j’eus mis la main à la besogne, mes idées retrouvèrent leur netteté.

Ce n’était pas une tâche aisée, car l’esquif se trouvait à la partie centrale du navire ; il était encombré de mille objets, et la force de la mer nous obligeait à lâcher prise, pour revenir ensuite, car dès que nous le pouvions, nous tirions comme des chevaux.

Pendant ce temps, ceux des blessés qui étaient en état de se mouvoir, arrivèrent sur le pont en clopinant par l’écoutille d’avant, tandis que les autres, qui gisaient immobiles dans leurs cadres, m’étourdissaient de leurs cris et suppliaient qu’on les sauvât.

Le capitaine restait inactif.

On eût dit qu’il était frappé de stupidité debout, il se cramponnait aux haubans et poussait un gémissement à chaque martèlement du navire contre le rocher.

Son brick lui tenait lieu de femme et d’enfant.

Il avait assisté sans s’émouvoir aux brutalités que subissait le pauvre Rançon, mais maintenant qu’il s’agissait du brick, il souffrait tout ce que celui-ci souffrait.

Pendant tout le temps que nous travaillâmes à dégager l’esquif, je me souviens seulement d’un autre détail. Je demandai à Alan, qui regardait du côté de la terre, quel était ce pays et il me répondit que c’était pour lui le plus dangereux de tous, car il appartenait aux Campbell.

Nous avions chargé un des blessés d’avoir l’œil sur la mer et de nous servir de vigie.