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Naturellement j’avais entendu parler de tout cela, et en ce moment j’avais devant moi un homme dont la tête avait été mise à prix pour ce motif et pour plus d’un autre, car non seulement il était un rebelle et un agent qui transmettait par contrebande des revenus, mais encore il s’était engagé au service de Louis, roi de France. Et comme si cela ne suffisait pas, il avait autour du corps une ceinture pleine de guinées.

Quelles que fussent mes opinions, je ne pouvais qu’éprouver un vif intérêt à la vue de cet homme.

— Ainsi donc, vous êtes un Jacobite ? lui dis-je en lui servant à manger.

— Oui, répondit-il, en commençant son repas, et vous, à en juger par votre longue figure, vous êtes sans doute un Whig ?[1]

— Oui et non, répliquai-je, pour ne pas lui faire de peine, car au fond j’étais aussi bon Whig que j’avais pu le devenir sous l’influence de M. Campbell.

— Et cela est sans importance, reprit-il, mais je dis, monsieur oui-et-non, ajouta-t-il, que cette bouteille que vous m’apportez est vide, et que c’est bien dur pour moi d’avoir à payer soixante guinées, et de me voir chicaner une lampée à ce prix.

— Je vais demander la clef, dis-je.

Et je me dirigeai vers le pont.

Le brouillard était toujours aussi dense, mais la houle avait tout à fait cessé.

On avait mis le brick à la cape, sans savoir exactement où l’on se trouvait.

D’ailleurs, le peu de vent qui soufflait alors n’était

  1. Le terme de Whig ou Whigamore était appliqué dans la langue courante à ceux qui étaient fidèles partisans du roi George.