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reux, et je parvins à grand’peine à me rendre compte que j’étais étendu et lié dans la cale de ce vaisseau de malheur, et que le vent était devenu une forte brise.

Dès que j’eus une idée nette de ma situation, je tombai aussitôt dans un sombre désespoir, dans un affreux remords de ma folie, dans un accès de fureur contre mon oncle, et sous cette influence je m’évanouis de nouveau.

Quand je revins à la vie, le même grondement, les mêmes mouvements confus et violents m’agitèrent et m’assourdirent, et bientôt à tout ce que je souffrais déjà de corps et d’esprit, s’ajouta le malaise que la mer inflige à un habitant des terres, qui n’en a pas l’endurance.

Pendant cette période de mon aventureuse jeunesse, je souffris bien des privations, mais jamais je n’éprouvai de souffrance aussi accablante pour mon esprit et mon corps, et je ne vis jamais une aussi faible lueur d’espoir que dans ces premières heures passées sur le brick.

J’entendis un coup de canon.

Je supposai que l’orage était devenu trop violent pour nous et que nous faisions feu en signe de détresse.

Cette pensée d’être délivré, fût-ce même par la mort dans les profondeurs de la mer, me causa de la joie.

Mais il ne s’agissait de rien de pareil.

C’était, ainsi que je l’appris par la suite, une habitude fréquente chez le capitaine, — et j’en parle ici pour montrer que même le pire des hommes peut avoir ses bons côtés.

Nous passions alors, à ce qu’il paraît, à quelques milles de Dysart, où le brick avait été construit, et où la vieille mistress Hoseason, la mère du capitaine, était