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de dix mille milles et me trouvais à l’ancre dans un loch d’Écosse ; que le jour, en se levant, allait me montrer des pins, des bruyères, de vertes fougères, les toits de gazon d’où monte la fumée de la tourbe, et que la langue étrangère qui frapperait ensuite mes oreilles serait le gaélique.

L’arrivée du jour amena un spectacle et des pensées différents. J’ai vu se lever le matin sur beaucoup de lieux du monde ; ce fut certainement une des principales joies de mon existence ; mais l’aurore que je vis avec le plus d’émotion brilla sur la baie d’Anaho. Les montagnes abruptes étageaient au-dessus du port, avec toutes les variétés de surfaces et d’inclinaisons, prairies, falaises et forêts, dont chacune revêtait sa nuance propre de safran, d’œillet et de rose. Tout avait le lustre du satin ; une efflorescence flottait sur les tons plus clairs ; un velouté solennel sur les plus sombres. La lumière elle-même était l’habituelle lumière du matin, nette et incolore ; et sur un fond de pierreries elle dessinait les moindres détails des lignes. Cependant, vers le village, sous les palmiers où s’attardait l’ombre bleue, les braises rouges des écales de coco et de minces fils de fumée trahissaient le réveil des travaux quotidiens ; au long de la plage, hommes et femmes, garçons et filles revenaient du bain, en vêtements clairs, rouges, bleus, verts, comme ceux qui nous délectaient la vue sur les petites images coloriées de notre enfance. Et alors, le soleil dépassa la colline de l’est, et la clarté du jour fut sur toutes choses.

La clarté s’accrut. Les travaux, pour la plupart,