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Nous atteignîmes les rochers abrupts que l’on voit dans ces parages et arrivâmes à Hunter’s Bog. Là, sur une pièce de beau gazon, mon adversaire dégaina. Nous n’avions que les oiseaux pour témoins : ma seule ressource fut de l’intimider et je fis aussi bonne figure que possible, mais sans réussir à manier mon épée, car M. Duncansby, surprenant mes fautes, s’arrêta, me regarda durement et se mit à gesticuler avec violence. Je n’avais rien vu faire de semblable à Alan et, très troublé par la pensée de la mort, je perdis tout sang-froid ; je me résignai à ma situation actuelle, mais j’aurais donné beaucoup pour pouvoir me sauver.

« Que le diable vous emporte ! » cria-t-il. Et engageant le combat, du premier coup, il fit voler mon épée et l’envoya tomber au loin dans les joncs.

Deux fois, cette manœuvre fut répétée et la troisième, quand je rapportai mon arme humiliée, je m’aperçus qu’il avait remis la sienne au fourreau et m’attendait le visage contracté et les mains croisées derrière le dos.

« Soyez damné si je vous touche ! » s’écria-t-il, et il me demanda avec violence de quel droit je me battais avec un gentilhomme du moment que je ne savais pas distinguer l’endroit de l’envers d’une épée.

Je répondis que la faute en était à ceux qui m’avaient élevé, mais qu’il devait me rendre la justice de dire que je lui avais donné satisfaction autant qu’il était en mon pouvoir et que je m’étais conduit comme un gentilhomme.

« C’est la vérité, dit-il. Je suis brave et hardi comme un lion, mais combattre sans savoir un mot d’escrime comme vous l’avez fait, je le déclare, cela me dépasse, et je regrette le coup de poing que je vous ai donné, bien que je croie que le vôtre a été plus fort, car je le sens encore. Je vous assure que si j’avais su de quoi il s’agissait, je ne me serais pas mêlé de cette affaire.