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« Voilà pour vous, stupide habitant des Basses Terres », s’écria-t-il en m’envoyant un coup de poing dans la mâchoire.

Je le payai de retour ; alors il s’éloigna de quelques pas et me saluant cérémonieusement :

« Assez de coups, dit-il, je serai l’offensé, car qui oserait dire à un gentilhomme, officier du roi, qu’il ne parle pas correctement l’anglais ? Nous avons des épées dans nos fourreaux et voici King’s Park tout près. Voulez-vous marcher devant ou préférez-vous que je vous indique la route ? »

Je lui rendis son salut, je lui dis de passer devant et je le suivis. Tout en marchant, je l’entendais grommeler entre ses dents de sorte que je pouvais supposer que je l’avais vraiment offensé. Mais le commencement de la querelle était là pour démentir cette prétention ; il était manifeste qu’il était venu avec le projet de me provoquer, manifeste que je venais de tomber dans un nouveau piège de mes ennemis, manifeste enfin que, vu mon peu d’expérience, j’allais succomber dans cette rencontre.

Quand nous fûmes dans ce désert de King’s Park, je fus tenté une demi-douzaine de fois de m’enfuir à toutes jambes, tellement il m’en coûtait de montrer mon ignorance en fait d’escrime et étant tout aussi peu désireux de mourir ou même d’être blessé. Cependant, je me dis que puisque la malice de mes ennemis prenait de telles proportions, il ne me servirait à rien de me sauver ; je pensai aussi que mourir par l’épée était un progrès et valait mieux que la potence ; d’ailleurs, mon émotion et le coup que j’avais reçu m’avait mis hors d’état de courir, mon adversaire me poursuivrait et n’aurait pas de peine à m’atteindre, ce qui ajouterait la honte à mon malheur. Je continuai donc à marcher derrière lui comme un homme qui suit le bourreau et sans beaucoup plus d’espérance.