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Elle était restée les yeux vagues, la tête en l’air, mais à ma parole et au son de ma voix, elle changea de visage.

« Que dites-vous ? demanda-t-elle ; de qui parlez-vous ?

— De mon témoignage qui peut sauver la vie d’un innocent et qu’on refuse d’entendre. Que feriez-vous à ma place ? Vous devez le savoir, vous, dont le père est en danger ? Abandonneriez-vous le malheureux ? Ils ont cherché à me corrompre et m’ont offert des montagnes et des vallées. Aujourd’hui même, un lâche m’a dit ce qu’allait être ma situation et comme quoi il irait jusqu’à me tuer et me déshonorer. On me fera passer pour complice d’un crime, on dira que j’ai retenu et fait causer Glenure pour de l’argent et de vieux habits. Ils me tueront et saliront ma mémoire. Si c’est ainsi que je dois mourir — moi à peine un homme encore, — si telle est l’histoire qui doit être contée dans toute l’Écosse ; si vous devez la croire vous aussi et si mon nom ne doit être à vos yeux qu’un objet de mépris,… Catriona ! comment aurai-je la force de faire mon devoir ? Ce n’est pas possible, c’est plus qu’on ne peut demander à un homme. »

J’avais parlé avec violence, les paroles s’échappaient de mes lèvres sans me permettre de respirer. Quand je m’arrêtai, je vis qu’elle me regardait en face avec un visage ému.

« Glenure ! C’est le meurtre d’Appin ? » dit-elle avec douceur, mais avec un accent de profonde surprise.

J’étais revenu sur mes pas pour l’accompagner et nous étions maintenant à la hauteur du village de Dean. Je m’arrêtai comme subitement foudroyé.

« Dieu puissant, criai-je, que vient-il de m’arriver ? » et je portai mes mains à mes tempes. « Qui a pu m’amener à cela ? Je suis donc ensorcelé pour avoir dévoilé une telle chose ?