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— Allons, vous n’êtes pas encore trop niais, dit-elle avec une sorte d’approbation ; je pensais que vous n’étiez qu’un imbécile, avec vos six pence et toutes vos belles phrases. »

Je fus charmé de voir que la dame était au courant de notre conversation, ce qui me prouvait que je n’avais pas été oublié.

« Enfin, tout cela n’est qu’un prétexte, dit-elle ; dois-je comprendre que vous êtes amoureux ?

— Voilà certainement une question prématurée, répondis-je : il s’agit d’une enfant ou presque ; je suis jeune aussi, ce qui est pire, et je ne l’ai vue qu’une fois. Je ne veux pas nier, ajoutai-je en me décidant à user de franchise, que son souvenir a trotté dans ma tête depuis l’autre jour, mais je crois que j’aurais l’air d’un imbécile si je venais m’engager si tôt.

— Vous avez la langue bien pendue, à ce que je vois. Moi aussi, du reste… J’ai été assez bête pour prendre la charge de la fille de ce coquin ! une belle charge que j’ai acceptée ! mais c’est mon affaire et je saurai la remplir à ma façon. Allez-vous me dire, monsieur Balfour de Sharos, que vous épouseriez la fille de James More si son père doit finir par la potence ? Non, n’est-ce pas ? Donc, quand il n’y a pas de mariage possible, il n’y a pas à faire la cour, tenez-vous-le pour dit. Les jeunes filles sont drôles tout de même ! ajouta-t-elle en branlant la tête, et quoique vous ne puissiez pas vous en douter aujourd’hui, j’ai été jeune, moi aussi, et jolie !

— Lady Allardyce, répliquai-je (car je sais que c’est votre nom), vous faites les demandes et les réponses, et ce n’est pas un bon moyen d’arriver à être d’accord. Vous êtes cruelle quand vous me demandez si je suis disposé à épouser, au pied de la potence, une jeune fille que je n’ai vue qu’une fois. Je vous ai déjà dit que je ne serai jamais assez fou pour m’engager de sitôt ; cependant,