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vous expliquerai cela plus à loisir ; mais vous voudriez me faire croire…

— Je vous demande pardon, Milord, je ne veux rien vous faire croire, rien que je ne puisse prouver.

— Ta, ta, ta, jeune homme, ne soyez pas si ardent, et souffrez qu’un homme qui pourrait être votre père emploie son langage imparfait et exprime ses pauvres idées même quand elles ont l’infortune de ne pas s’accorder avec les vôtres. Vous voudriez me faire croire, dis-je, que Breck est innocent ; c’est, d’ailleurs, de peu d’importance tant que nous n’aurons pas mis la main sur lui. Mais le fait de l’innocence de Breck a une plus longue portée : une fois admis, il détruirait toutes les présomptions de notre procès contre un homme bien autrement criminel, vieilli dans la trahison, deux fois pris les armes à la main contre son roi et deux fois gracié, un fomentateur de révolte et indubitablement l’instigateur du crime, quel qu’en soit l’auteur.

— J’ai seulement à répondre que je ne suis ici que pour établir l’innocence d’Alan et celle de James Stewart, et que je suis prêt à en témoigner en audience publique.

— À cela je puis répondre avec la même franchise : votre témoignage ne sera pas requis par moi et je vous prie de le retirer entièrement.

— Vous êtes le Chef de la justice de ce pays, et vous me proposez un crime !

— Je défends des deux mains les intérêts de ce pays, répliqua-t-il, et je poursuis auprès de vous une nécessité politique. Le patriotisme n’est pas toujours moral dans le sens banal du mot, vous devriez vous contenter de sauvegarder votre liberté et votre sécurité ; les apparences sont contre vous, et si j’essaie encore de vous sauver, c’est, d’une part, parce que je ne suis pas insensible à votre droiture et, d’autre part, à cause de la lettre que vous venez de me remettre, mais surtout, parce que je