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Je ne sais quelle heure il était, mais la nuit était venue depuis longtemps, quand la porte s’ouvrit et j’aperçus, éclairée par derrière, une haute silhouette d’homme sur le seuil : je me levai aussitôt.

« Y a-t-il quelqu’un là ? Qui est-ce ? dit une voix.

— Je suis porteur d’une lettre du seigneur de Pilrig pour l’avocat général, répondis-je.

— Êtes-vous ici depuis longtemps ?

— Je ne puis vous le dire au juste.

— C’est la première nouvelle que j’en ai, les garçons vous auront oublié. Mais vous voilà dans la place, car je suis Prestongrange. »

Tout en parlant, il passa devant moi, et me fit entrer dans sa bibliothèque, alluma une bougie et s’assit devant sa table de travail. C’était une longue salle entièrement garnie de livres. Le petit foyer de lumière dans un coin faisait ressortir la belle taille de l’homme et son air énergique ; il était rouge, ses yeux brillaient et se mouillaient par instants et, avant de s’asseoir, je le vis tituber légèrement. Pas de doute qu’il n’eût largement soupé, mais son esprit et sa langue étaient parfaitement libres.

« Eh bien, monsieur, me dit-il, asseyez-vous et voyons la lettre de Pilrig. »

Il la lut d’un air distrait jusqu’à la fin, mais s’arrêta visiblement à la dernière phrase et je vis qu’il la relisait. Mon cœur battait à se rompre, car j’avais passé le Rubicon et j’étais sur le champ de bataille.

« Je suis heureux de faire votre connaissance, monsieur Balfour, dit-il quand il eut fini. Laissez-moi vous offrir un verre de claret ?

— Si vous voulez bien le permettre, milord, j’aime mieux vous refuser. Je suis venu ici, ainsi que cette lettre vous l’annonce, pour une affaire de quelque gravité, et comme je suis peu habitué au vin, je pourrais m’en ressentir.