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fortement. Cependant, je ne pouvais m’empêcher de voir que, pour le fils de mon père, ce devait être la chose la plus indifférente du monde que James mourût dans son lit ou sur l’échafaud. Il était cousin d’Alan à la vérité, mais dans l’intérêt de mon ami, le mieux serait de me tenir tranquille et de laisser le roi, le duc d’Argyle et les corbeaux recueillir les os du malheureux chacun à leur manière. Je ne pouvais oublier non plus que, tandis que nous étions tous en danger, James n’avait guère montré d’anxiété ni pour Alan, ni pour moi. Il me vint alors à l’esprit que j’étais animé d’un sentiment de justice et je pensai que le mobile était digne de moi et que — puisque nous nous mêlions de politique à notre commun détriment — la justice devait tout dominer à nos yeux, la mort d’un innocent étant un tort fait à la société tout entière. Venait ensuite l’avocat du diable ; il me servait un de ses arguments, me faisant remarquer qu’il était téméraire de m’occuper de si graves choses, que je n’étais qu’un enfant fanfaron et bavard et que la vanité seule m’engageait à poursuivre cette folie. Il me faisait ensuite envisager la question à un autre point de vue ; il m’accusait d’un égoïste calcul qui me portait à courir quelques risques pour m’assurer à ce prix une sécurité complète. Il était évident, en effet, que tant que je n’aurais pas proposé mon témoignage et déclaré mon innocence dans l’affaire du meurtre, je pourrais à chaque instant rencontrer Mungo Campbell ou les officiers du shérif, être reconnu et appréhendé ; par conséquent, si je parvenais à me blanchir, je respirerais plus librement après. Ce dernier mobile, du reste, ne me paraissait pas honteux ; c’était l’histoire des deux chemins qui aboutissent au même endroit : il était heureux pour James que je me fusse engagé d’avance, et il n’était pas moins heureux pour moi de me trouver ainsi dans l’obligation de bien faire ; avec le nom et la fortune