Page:Stevenson - Catriona.djvu/322

Cette page a été validée par deux contributeurs.

comment je ne fus pas tué ou comment je ne tuai pas l’un des deux ; toute cette affaire me fait maintenant l’effet d’un rêve. Tout à coup, j’entendis un cri et Catriona se dressa devant son père. Au même moment, la pointe de mon épée effleura la jeune fille, elle me revint rougie de sang, et je demeurai anéanti.

« Allez-vous le tuer devant moi qui suis sa fille, après tout ? s’écria-t-elle.

— Ma chère, j’ai fini », répondit Alan, et il alla s’asseoir sur une table les bras croisés sur son épée nue.

Elle resta devant son père, haletante, puis reprenant son courage :

« Allez ! fit-elle, partez avec votre déshonneur, laissez-moi avec des hommes loyaux ! Je suis une fille d’Appin ! Opprobre des fils d’Appin, allez-vous-en ! »

Elle parla avec une telle colère que j’en oubliai sa blessure : ils se dévisagèrent en silence, elle avec son fichu taché de sang, lui blanc comme un linge. Je le connaissais assez pour savoir qu’il était touché jusqu’au fond de l’âme, mais il prit un air de bravade.

« Comment donc ? m’en aller, mais je ne demande pas mieux, je ne fais que rassembler mes bagages.

— Pas un mouchoir de poche même, ne sortira d’ici qu’avec moi, dit Alan.

— Monsieur ! protesta James More.

— James More, reprit Alan, cette demoiselle, votre fille, va épouser mon ami David, et c’est à cause de cela que je vous laisse aller sain et sauf ; mais tenez-vous pour averti, et gardez votre carcasse hors de mon chemin, car ma patience a des limites.

— Le diable vous emporte, monsieur ! Je veux mon argent.

— Votre argent ! il est à moi maintenant ; et il ajouta avec une certaine bonhomie : Suivez mon conseil, James More, quittez cette maison. »