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temps en temps les craquements de la machine. Vers huit heures et demie, Catriona commença à chanter dans la maison et, en l’entendant, j’aurais volontiers lancé mon chapeau en l’air ; il me sembla que ce coin de campagne triste et sauvage se changeait en un véritable paradis.

Peu à peu cependant, ne voyant venir personne, je fus pris d’une angoisse inexplicable ; j’avais le pressentiment d’un malheur ; les ailes de moulin me faisaient penser à des espions ; du reste, en dehors de toute fantaisie, tout me paraissait étrange et mystérieux en cet endroit.

Le déjeuner nous réunit assez tard ; James More y parut préoccupé de quelque danger ou difficulté, et, de son côté, Alan ne le quittait pas des yeux et le surveillait de près ; l’air hypocrite de l’un et la vigilance de l’autre me mirent sur des charbons ardents. À peine le repas fini, James se leva en disant qu’il avait un rendez-vous important à la ville et nous pria de l’excuser jusque vers midi. Puis il prit sa fille à part et lui parla avec animation, tandis qu’elle semblait l’écouter avec répugnance.

« Cet homme me plaît de moins en moins, me dit Alan dès que James fut sorti ; il y a anguille sous roche, et je vais tâcher de la découvrir aujourd’hui même. Vous, David, essayez de trouver une raison pour rester dans les environs, de façon à veiller sur Catriona et à avancer vos affaires d’amour. Parlez-lui tout simplement, dites-lui que vous avez été un âne !… puis, si j’étais à votre place, je ferais quelque allusion au danger que vous êtes peut-être exposé à courir ici,… toutes les femmes aiment cela.

— Je ne sais pas mentir, Alan, je ne pourrai jamais.

— Vous n’en êtes que plus nigaud ! Alors, vous lui direz que je vous ai conseillé cela, elle rira et ce sera