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vous, ici même ! Je voudrais baiser vos mains pour obtenir mon pardon !

— Je conserverai les baisers que j’ai eus de vous, criai-je, je garderai ceux qui m’étaient précieux et qui avaient de la valeur ! je n’accepterais pas des baisers donnés en signe de repentir !

— Pauvre fille que je suis ! Quelle opinion allez-vous avoir de moi !

— Je vous prie de m’écouter ; il ne s’agit plus de moi, car le voulussiez-vous, vous ne pourriez pas me rendre plus malheureux que je ne le suis. C’est de James More qu’il faut s’occuper.

— Oh ! dire que je suis destinée à vivre avec cet homme ! s’écria-t-elle en s’efforçant de se contenir. Ne vous inquiétez pas de cela, il ne sait pas de quelle nature est mon cœur ! Il me la paiera cher, cette journée ! »

Elle prit le chemin de la maison et je la suivis, mais elle s’arrêta aussitôt.

« Je désire rentrer seule, dit-elle, c’est en tête à tête que j’entends l’affronter. »

Je restai donc et j’errai par les rues, me livrant à mon chagrin. La colère m’étouffait, il semblait qu’il n’y eût plus assez d’air à Leyde pour mes poumons, je croyais que j’allais éclater comme un cadavre au fond de la mer. Puis je m’arrêtai pour rire de moi-même au coin d’une rue, si bien qu’un passant se détourna pour me regarder, ce qui me rappela à la réalité.

Eh bien, pensai-je, voilà une bonne leçon, qui m’apprendra à ne plus avoir affaire à ce sexe maudit qui a été la ruine de l’homme dès le commencement, et le sera jusqu’à la fin ! J’étais heureux avant d’avoir rencontré Catriona, je puis l’être encore, quand je serai à tout jamais séparé d’elle.

Les voir s’en aller, c’était maintenant mon idée fixe, et je me réjouissais à la pensée de leur vie misérable,