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causer de choses insignifiantes, et, arrivé à la porte, il me congédia en me remerciant du bout des lèvres. Alors, je rentrai chez moi où je n’avais pas de feu pour me réchauffer et pas de société autre que mes pensées, qui, heureusement, n’étaient pas trop sombres. Je ne me doutais pas encore de l’erreur qui nous séparait, mon amie et moi ; je m’imaginais que nous étions fiancés et que notre froideur actuelle était le résultat d’un accord tacite pour ne pas indisposer James More. C’était lui qui était ma principale préoccupation et comme l’ombre au tableau. Il fallait tout mon amour pour me résigner à accepter un beau-père pareil ! Je me demandais aussi quand je devrais lui parler et en songeant à mon âge, je rougissais. D’un autre côté, si je les laissais partir sans explication et sans faire ma demande, j’étais exposé à la perdre pour toujours.

Je conclus qu’un délai ne pouvait rien gâter, mais que, cependant, il ne fallait pas qu’il fût trop long. Là-dessus, je me couchai plein d’espoir, malgré mon lit glacé.

Le jour suivant, comme James More geignait un peu sur la nudité de sa chambre, j’achetai quelques meubles, et, l’après-midi, venant avec des portefaix chargés de tables et de chaises, je trouvai Catriona seule. Elle me reçut poliment, mais se retira aussitôt dans sa chambre, dont elle ferma la porte. Je plaçai les meubles, je payai et je congédiai les hommes, de façon qu’elle pût les entendre partir, car je supposais qu’elle n’attendait que leur départ pour venir me trouver.

Après un instant, je cognai à sa porte.

« Catriona », dis-je doucement.

La porte s’ouvrit brusquement et elle resta sur le seuil sans bouger ; elle avait l’air de souffrir cruellement.

« Ne sortirons-nous pas ensemble, aujourd’hui ? murmurai-je.