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un vif regret d’en être privé, mais je dois avouer que je me sentis soulagé et heureux à l’idée qu’elle était sous la garde de son père, que celui-ci paraissait satisfait, et que je pourrais maintenant la courtiser en toute liberté et honneur. À souper, comme à tous les repas qui suivirent, ce fut James More qui tint le dé de la conversation ; il s’exprimait très agréablement, mais il était difficile de savoir s’il disait la vérité. Le repas fini, il se levait, prenait son pardessus et, me regardant, il nous annonçait qu’il avait des affaires en ville. Je prenais cela pour un congé, et je jugeais sage de m’en aller aussitôt. Dès que Catriona me voyait près de sortir, elle me fixait avec de grands yeux comme pour me dire de rester ! mais je n’osais et demeurais un moment hésitant entre les deux. Un jour, ne sachant plus quel parti prendre, et voyant les yeux de Catriona s’enflammer de colère, je me tournai vers son père.

« Puis-je vous être utile à quelque chose, monsieur Drummond ? » demandai-je.

Il étouffa un bâillement hypocrite.

« Puisque vous voulez bien m’offrir votre compagnie, répondit-il, vous pourriez m’indiquer le chemin d’une taverne où j’espère rencontrer d’anciens camarades. »

Je pris mon chapeau et mon manteau pour l’accompagner.

« Quant à vous, dit-il à sa fille, ce que vous avez de mieux à faire c’est de vous coucher ; je rentrerai tard et « à se coucher et à se lever tôt, les filles gagnent de beaux yeux ».

Après cette citation, il l’embrassa avec beaucoup de tendresse et me fit passer devant lui pour sortir. Je remarquai qu’elle ne chercha pas à échanger un regard avec moi et je supposai que c’était par crainte de lui déplaire.

La taverne était à quelque distance de là ; il se mit à