Page:Stevenson - Catriona.djvu/279

Cette page a été validée par deux contributeurs.


XXVI

LE TRIO


Si, dans ce qui va suivre, j’ai mérité le blâme ou plutôt la pitié, j’en laisse juge le lecteur, car ma sagacité (je me vante d’en avoir beaucoup) semble me faire défaut quand il s’agit des femmes.

Quand j’avais appelé Catriona à travers sa porte, je l’avais qualifiée de « Miss Drummond » et de même, pendant le déjeuner, j’avais cru devoir observer vis-à-vis d’elle une grande réserve, c’était de la vulgaire prudence : son père avait émis des doutes sur l’innocence de notre amitié, mon premier souci devait être de les dissiper. Mais Catriona fut excusable de ne pas comprendre les motifs de mon attitude. Nous avions eu la veille une scène de tendresse et de passion ; nous avions échangé des caresses, puis, brusquement, je l’avais repoussée et renvoyée dans sa chambre ; elle avait veillé et pleuré pendant la nuit et je ne pouvais pas douter que ce ne fût à cause de moi. Après cela, être éveillée sur un ton de froide politesse et être traitée avec réserve et cérémonie, tout cela la déconcerta et l’induisit en erreur sur la vraie nature de mes sentiments ; elle se méprit au point de s’imaginer que j’avais des regrets, et que je voulais revenir sur mes déclarations de la veille.