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soldat, continua-t-il en regardant d’un air dédaigneux tout autour de la chambre, et vous n’avez pas à craindre que je vous cause de l’embarras. Trop souvent, j’ai mangé sur le bord d’un fossé, et bu de l’eau de source sous la pluie.

— On nous apporte chaque jour le déjeuner vers cette heure-ci, je vais aller à l’auberge commander un couvert de plus, et retarder le repas d’une heure afin de vous donner le temps de causer avec votre fille. »

Je m’aperçus que ses narines se gonflaient à ces mots, et il s’écria :

« Oh ! une heure ! c’est peut-être beaucoup. Une demi-heure ou vingt minutes suffiront… et dites-moi, monsieur David, ajouta-t-il en me retenant par mon habit, que buvez-vous ? du vin ou de la bière ?

— Pour dire vrai, monsieur, nous ne buvons que de l’eau claire.

— Heu, heu ! fit-il, c’est mauvais pour l’estomac, croyez-en un vieux soldat ; notre eau-de-vie d’Écosse est certainement la plus saine des boissons, mais faute d’en avoir, le vin du Rhin, ou du Bourgogne blanc feraient bien l’affaire.

— Je verrai à ce que vous n’en manquiez pas.

— Bravo ! Nous ferons de vous un homme, monsieur David ! »

Pendant ce temps, j’avoue que je n’eus guère d’autre pensée, si ce n’est quel drôle de beau-père j’aurais là si jamais j’épousais Catriona. Avant de partir, je voulus pourtant avertir celle-ci de sa présence, et frappant à sa porte, je lui criai :

« Miss Drummond, voici votre père qui vient enfin d’arriver. »

Puis je m’en allai à mes courses sans me douter que, par ces deux mots, je venais de gâter mes affaires.