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« Allez vous coucher, allez vous coucher, et laissez-moi. »

Elle m’obéit aussitôt comme un enfant et, avant que j’eusse eu le temps de m’en apercevoir, elle était déjà sur le pas de sa porte.

« Bonsoir, David, dit-elle.

— Bonsoir, mon amour », criai-je, et, la rappelant, il me semblait que j’allais la briser dans une étreinte ; une seconde après, je la jetai presque dans sa chambre et je fermai la porte avec violence.

J’étais seul avec mes remords… le mot était lâché maintenant, elle savait la vérité… Je m’étais faufilé dans le cœur de la pauvrette en abusant de sa confiance, elle était en mon pouvoir comme une innocente créature. Quelle arme me restait-il ? Et la destruction de mon vieil Heineccius était comme une image de mon naufrage ! Je me repentais certes… et pourtant, je ne pouvais trouver la force de me condamner pour cette grande faillite. Il me semblait impossible de résister plus longtemps à l’audace charmante de son innocence ou à la séduction de ses larmes.

Qu’allions-nous devenir maintenant ? Nous ne pouvions plus rester ensemble, mais où devais-je aller ? Sans aucune faute ni intention de notre part, les événements avaient conspiré contre nous et nous avaient acculés à cette impasse. L’idée me vint de nous marier sur-le-champ, mais je me révoltai à cette pensée ; c’était une enfant, elle ne pouvait pas encore connaître son cœur et ses sentiments. J’avais surpris son innocence, je n’avais pas le droit d’abuser de cette surprise, je devais la garder non seulement pure de tout reproche, mais encore libre comme je l’avais trouvée.

Je m’assis devant le feu pour réfléchir et je me creusai la cervelle pour découvrir un moyen de tout concilier. Vers deux heures du matin, dans le silence de