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« Oh ! pourquoi mon père ne revient-il pas ? » s’écria-t-elle tout à coup, et elle fondit en larmes.

Je m’élançai vers elle, je l’entourai de mes bras et je jetai le livre au feu.

Mais elle me repoussa vivement.

« Vous n’aimez pas votre amie, dit-elle, je pourrais être si heureuse si seulement vous le vouliez !… Oh ! qu’ai-je donc fait pour que vous me détestiez ainsi ?

— Vous détester ! criai-je en la retenant malgré elle, oh ! aveugle que vous êtes ! ne lisez-vous donc pas un peu dans mon malheureux cœur ? Croyez-vous que ce livre stupide que je viens de brûler puisse m’empêcher de penser à vous ? Chaque soir, j’ai souffert de vous voir là, solitaire, mais que faire ? N’êtes-vous point ici sous la garde de mon honneur ? Allez-vous m’en punir ? Est-ce à cause de cela que vous mépriserez votre serviteur plein d’amour ! »

À ces mots, par un petit mouvement soudain, elle se rapprocha de moi. Je la pris dans mes bras et l’embrassai ; elle appuya son front contre ma poitrine et me serra très fort. Je demeurai étourdi, comme un homme ivre.

Tout à coup, j’entendis le son de sa voix, très basse et étouffée par mes vêtements.

« L’avez-vous vraiment embrassée ? » demanda-t-elle. Ces mots me secouèrent tout entier.

« Miss Grant ? criai-je, oui, j’ai sollicité la permission de l’embrasser pour nos adieux et elle me l’a accordée.

— Ah ! bien, dit-elle, vous m’avez embrassée, moi aussi, à tout hasard. » À l’étrangeté et à la douceur de ces paroles, je vis jusqu’où nous étions tombés. Je me levai et je la remis sur ses pieds.

« Cela ne peut pas continuer, m’écriai-je, cela ne peut pas durer ! Oh ! Catrine ! Catrine !… », et je m’arrêtai, dans l’impossibilité d’articuler un mot de plus ; puis je repris :