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effets ne pourraient arriver à Leyde avant plusieurs jours, il paraissait très nécessaire de la fournir d’habits en attendant. Elle refusa d’abord, pour m’éviter cette dépense, mais je lui dis qu’étant la sœur d’un homme riche, elle devait être habillée selon son rang, et nous étions à peine entrés dans le second magasin que je la vis enchantée et les yeux brillants de plaisir. Je m’amusai de sa joie naïve, et, ce qui est plus extraordinaire, je me passionnai à mon tour, et je ne fus content qu’après lui avoir acheté de jolies choses ; je ne me lassais pas de la considérer dans ses différentes toilettes. Je commençai même à comprendre l’intérêt que prenait miss Grant à cette futile question ; le fait est que cela devient intéressant quand il s’agit d’une belle personne. Les indiennes hollandaises étaient jolies et peu chères, mais, en revanche, les bas étaient hors de prix. Enfin, je dépensai une telle somme que je n’osai de quelque temps faire d’autres achats et que nos chambres demeurèrent à peu près vides. Nos lits, de belles toilettes pour Catriona et de la lumière pour la voir, cela suffisait à mon bonheur. Je la laissai à notre porte avec toutes nos emplettes et je me livrai seul à une longue promenade afin de me sermonner moi-même. Les événements avaient marché si rapidement que j’avais besoin de réfléchir. J’avais pris sous mon toit une jeune fille, d’une extrême beauté, et le péril était dans son innocence même. Ma conversation avec le vieux Hollandais et les mensonges que j’avais dû lui faire m’avaient déjà donné une idée des soupçons que ma conduite devait éveiller, et la vive admiration que je venais de ressentir pour elle, le besoin que j’avais éprouvé de lui acheter plus que le nécessaire, tout cela me mettait sur mes gardes. J’avais conscience que je n’aurais pas agi ainsi pour une sœur, mais je sentais en même temps que je n’aurais confié Catriona à qui que ce fût au monde. Je fis