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gent, je ne voulus pas avoir l’air d’un avare et je m’arrêtai net.

« Catriona, repris-je, comprenez-moi bien, je vais essayer de remplir mon devoir envers vous ; je vais être étudiant et voici que vous allez habiter avec moi pendant quelque temps et être comme ma sœur, vous savez que j’en serai très heureux…

— Eh bien, je suis prête, c’est convenu. »

J’aurais dû lui parler d’une manière plus explicite, je me rends compte que j’ai eu tort de ne pas l’éclairer complètement. Mais je me souvenais combien sa pudeur s’alarmait aisément, le seul mot de « baiser » dans la lettre de Barbara avait suffi pour l’indisposer et maintenant qu’elle était à ma merci, comment oserais-je aborder un sujet si délicat ? D’ailleurs, je ne voyais pas d’autre moyen de me tirer d’affaire. Inutile de dire que mes sentiments pour Catriona me portaient aussi de ce côté.

Un peu après La Haye, elle commença à être très fatiguée et elle accomplit péniblement le reste de la route. Deux fois, elle fut obligée de s’arrêter pour se reposer et s’en excusa, assurant qu’elle faisait honte à sa race et qu’elle n’était qu’un embarras pour moi. Elle me dit aussi qu’elle n’était pas habituée à exécuter de longues marches avec des souliers.

Je voulus la persuader de se déchausser, mais elle me fit remarquer qu’en Hollande les femmes, même dans les chemins de traverse, étaient toutes chaussées.

« Je ne veux pas causer de honte à mon frère, dit-elle gaiement, bien que son visage exprimât toute sa fatigue. »

Nous arrivâmes enfin à Leyde et voyant un beau jardin public avec de grands arbres et des allées sablées, je fis asseoir Catriona et m’en allai à la recherche de mon correspondant. Là, j’usai de mon crédit et je lui demandai de m’indiquer un logement convenable.