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nous huer et à nous bousculer en riant. Je fus heureux que, ni l’un ni l’autre, nous ne puissions comprendre leur langage. Un instant après, nous arrivâmes sur une place donnant sur le port.

« Nous voilà sauvés ! m’écriai-je en apercevant les mâts, marchons le long du quai, nous rencontrerons bien quelqu’un parlant anglais et nous pourrons même reconnaître notre bateau. »

Une meilleure chance nous attendait : vers neuf heures, nous nous trouvâmes en face du capitaine Sang lui-même. Il nous dit qu’il avait achevé son voyage avec une vitesse inespérée et que ses passagers étaient déjà repartis. Il devenait donc impossible de rejoindre Mrs Gibbie en Allemagne et nous n’avions rien à attendre de personne, sauf du capitaine.

Aussi fûmes-nous d’autant plus heureux de remarquer qu’il était bien disposé. Il nous assura qu’il nous indiquerait une bonne famille de marchands où Catriona pourrait attendre que la Rose eût achevé son chargement. Il déclara qu’il la ramènerait pour rien à Leith et la remettrait aux mains de M. Gregory. Tout en causant, il nous mena à un restaurant pour souper, ce dont nous avions grand besoin. Il était très aimable, mais aussi très bruyant. Je m’aperçus, au nombre de bouteilles de vin du Rhin qu’il vidait, de la cause de sa surexcitation et il fut bientôt tout à fait ivre.

Alors, se produisit un phénomène fréquent chez les hommes de son métier, le vin lui fit perdre le peu de tenue qu’il avait d’ordinaire, il commença à être très inconvenant envers Catriona, plaisantant sur l’effet de ses jupes quand elle était sur la lisse du navire, prête à s’élancer pour me rejoindre. Je n’eus d’autre ressource que d’entraîner Catriona et de laisser le bonhomme cuver son vin.

Elle sortit de ce souper se cramponnant à moi.