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profiter d’une correspondance, ce même soir, pour l’Allemagne. Il était possible d’arriver avec la brise qui soufflait alors, pourvu qu’on ne perdît pas de temps. Or, James More avait donné rendez-vous à sa fille à Helvoetsluys et le capitaine s’était engagé à stopper en face du port pour lui permettre de débarquer.

Le canot était là et Catriona était prête, mais la mer était si mauvaise qu’il y avait vraiment du danger ; et cependant, le capitaine n’était pas d’humeur à attendre.

« Votre père, dit-il, ne me pardonnerait pas de vous exposer ainsi. Venez avec nous jusqu’à Rotterdam, vous passerez la Meuse, vous gagnerez ensuite Brill et, de là, vous reviendrez à Helvoetsluys. »

Mais Catriona ne voulut rien entendre, elle pâlit un peu en voyant les cascades d’écume et les paquets de mer qui passaient par-dessus le gaillard d’avant, mais elle demeura ferme dans sa volonté de partir quand même. « Mon père, James More, l’a décidé ainsi », fit-elle, et ce fut son dernier mot. Je la trouvai absurde d’être si entêtée et de résister aux conseils des marins, mais elle avait une très bonne raison, si elle eût voulu nous la communiquer.

Les bateaux et les voitures sont d’excellentes choses, mais il faut les payer, et tout son avoir consistait en deux shillings et un demi-penny. C’est ainsi que le capitaine et les passagers, ne se doutant pas de son dénuement (elle était bien trop fière pour le leur faire connaître) épuisèrent en vain leur éloquence.

« Mais vous ne parlez ni français ni hollandais, lui dit l’un de nous.

— C’est vrai, mais depuis l’année 45, il y a tant d’honnêtes Écossais à l’étranger, que je suis sûre que je n’aurai pas de difficulté à me faire comprendre. »

Cette simplicité provinciale fit sourire les uns et frémir les autres. M. Gibbie se mit en colère. Il trouvait