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voix ne me parut pas naturel, car j’étais incapable de deviner ce qui avait pu la mécontenter.

— Aviez-vous l’intention de me les faire lire toutes ? dit-elle. »

Je lui répondis « oui », en hésitant.

« Même la dernière ? »

Je compris alors, mais je ne voulus pas lui mentir.

« Je vous les ai toutes données sans arrière-pensée, je supposais que vous les liriez de même, je ne vois de mal dans aucune.

— Je ne partage pas votre avis, répliqua-t-elle, vous ne deviez pas me faire lire cette lettre et elle ne devait pas l’écrire !

— C’est ainsi que vous parlez de votre amie Barbara Grant ?

— Rien n’est plus cruel que de perdre un ami supposé, répondit-elle, se servant de mes paroles de tout à l’heure.

— Je crois que c’est l’amitié qui parfois a été imaginaire, m’écriai-je, poussé à bout, vous trouvez juste de me rendre responsable de quelques lignes contenant des plaisanteries écrites par une amie étourdie. Vous savez avec quel respect je vous ai toujours traitée et que c’est ainsi que je vous traiterai toujours.

— Cependant, vous m’avez fait lire cette lettre ! Eh bien ! je n’ai pas besoin de semblables amies, je me tirerai bien d’affaire sans elle… et même sans vous.

— C’est toute votre reconnaissance !

— Je vous ai beaucoup d’obligations, je le sais, mais je vous prierai de reprendre vos lettres. » Ce mot sembla s’arrêter dans son gosier.

« Je ne me le ferai pas dire deux fois ! » répliquai-je, en ramassant le paquet que je jetai dans la mer avec dépit. Pour un peu, je m’y serais précipité moi-même.

Tout le reste du jour, j’arpentai le pont en dévorant