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ne risquent rien en pareil cas. Plus tard, il y eut le mariage de mon oncle, et ce fut une terrible affaire. Jeanne Kay, c’était le nom de cette femme indigne. J’étais dans sa chambre, la nuit où ma famille vint la chercher, selon l’antique usage. Elle consentait et elle ne consentait pas ; tantôt, elle voulait épouser Rob, tantôt elle ne voulait plus entendre parler de lui. Je n’ai jamais vu une si frivole créature ! C’était une veuve et je n’ai jamais cru qu’une veuve pût être bonne.

— Catriona ! qu’en savez-vous ?

— Rien ; je vous communique seulement mon idée. Enfin, elle épousa mon oncle, elle l’accompagna à l’église, au marché, puis elle s’enfuit ; elle retourna dans sa famille et elle raconta une foule de mensonges sur notre compte. Puis, mon père fut arrêté, et vous connaissez le reste aussi bien que moi.

— Avez-vous eu des amies de votre âge ?

— Non, j’avais des relations avec quelques jeunes filles, mais je ne puis les appeler des amies.

— Mon histoire ressemble à la vôtre ; avant de vous rencontrer, je n’ai jamais eu d’amis non plus.

— Et ce brave M. Stewart ?

— Oui, je l’oubliais, mais c’est un homme, il n’est pas de mon âge, et c’est bien différent.

— En effet,… c’est tout autre chose.

— Cependant, j’ai cru avoir un ami pendant quelques temps, mais je me trompais. »

Elle me demanda qui c’était.

« C’était un élève de la classe de mon père. Nous étions persuadés que nous nous aimions beaucoup, puis il partit pour Glasgow, il m’écrivit deux ou trois fois, mais ce fut tout. Il trouva de nouveaux camarades et mes lettres restèrent sans réponse. Ce fut mon premier grief contre le genre humain. Vous ne vous figurez pas combien il est cruel de perdre un ami. »