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crois, qu’à ce moment, nous naviguions au plus près du vent. Nous dîmes quelle belle chose était l’amitié, combien peu nous l’avions soupçonné, et comment elle donnait à la vie un attrait tout nouveau ; enfin, mille autres douceurs pareilles, que se répètent les amoureux depuis la fondation du monde. L’un de nous fit une réflexion sur les hasards des rencontres et nous nous étonnâmes que des amis destinés à se rejoindre plus tard vécussent d’abord chacun de son côté, perdant du temps avec d’autres personnes.

« Ce n’est pas mon cas, dit-elle, et le récit de ma vie tiendrait en trois mots. Je ne suis qu’une enfant, il est vrai. Cependant, j’ai accompagné le clan en 45. Vous pensez que je n’ai pu oublier ces événements-là ? Tous les hommes étaient embrigadés selon la couleur des tartans, il leur tardait de marcher, je vous en réponds ! Il était venu des gentlemen des Basses-Terres avec leurs hommes pour se joindre à nous ; puis beaucoup de joueurs de cornemuses ; c’était un magnifique spectacle que ces troupes assemblées.

J’étais montée sur un petit poney montagnard, et je chevauchais à la droite de mon père et aux côtés de Glengyle lui-même. Voici un de mes bons souvenirs : Glengyle m’embrassa « parce que, dit-il, ma petite cousine, vous êtes la seule femme du clan qui soit partie avec nous ». J’avais douze ans à peine. J’ai vu aussi le prince Charles, il était si beau et avait de si jolis yeux bleus ! Je lui baisai la main devant toute l’armée. Oh ! c’était le bon temps alors, c’était un magnifique rêve, mais le réveil est venu. Vous savez comment tout cela a fini ? Quand les « habits rouges » envahirent le pays, mon père et mes oncles étaient cachés dans la montagne et je devais leur apporter à manger pendant la nuit, et mon cœur battait de frayeur dans l’obscurité ; je n’ai jamais aperçu de revenant. On assure, il est vrai, que les jeunes filles