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la malice humaine) luttera comme j’ai lutté, tandis que le cours des événements la poussera de côté et continuera son chemin comme une armée en marche. James fut pendu et moi, pendant ce temps, j’étais l’hôte de lord Prestongrange, lui ayant même de la reconnaissance pour ses soins paternels. James fut pendu et quand je rencontrais M. Simon dans l’escalier, j’étais contraint de le saluer comme mon supérieur ; James fut pendu par fraude et par violence, le monde n’en marcha pas plus mal et les auteurs de cet horrible attentat étaient de respectables pères de famille qui allaient à l’église et recevaient les sacrements.

Mais j’étais guéri pour toujours de cette détestable chose qu’on appelle la politique ! J’en avais vu les dessous et les infâmes rouages. Une vie simple, calme, était toute mon ambition dès que j’aurais retiré ma tête du danger et ma conscience du chemin de la tentation. Je n’avais en effet guère à m’enorgueillir de mes exploits ; après les plus beaux discours et les plus sincères résolutions, je n’avais réussi à rien.

Le 25 de ce même mois, un bateau devait partir du port de Leith, et je fus tout à coup averti d’avoir à faire mes malles pour Leyde. Je n’osai rien dire à l’avocat général, naturellement ; il y avait assez longtemps qu’il me donnait l’hospitalité, mais avec Miss Grant, j’étais plus à l’aise et je me plaignis de cet exil forcé et soudain.

Je lui déclarai que si elle ne me permettait pas de dire adieu à Catriona, je ne partirais point.

« Ne vous ai-je pas bien conseillé jusqu’ici ? me demanda-t-elle.

— Oui, et je n’oublie pas ce que je vous dois ni qu’« on » m’a ordonné de vous obéir, mais vous êtes quelquefois si moqueuse que je ne sais s’il convient que je me fie absolument à vous.