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furent punis et mon pauvre ami le lieutenant Duncansby fut rayé de l’armée. Quant à Catriona, tout le monde fut satisfait qu’elle ne fût pas poursuivie.

Miss Grant ne voulut jamais se charger d’une réponse pour Catriona.

« Non, répondait-elle en riant quand j’insistais, je dois empêcher le grand pied d’entrer dans les plats. »

Ce silence forcé me parut très dur, je savais qu’elle voyait ma petite amie plusieurs fois par semaine et elle lui apportait de mes nouvelles « quand je le méritais », disait-elle.

Le jour vint pourtant où elle se relâcha de sa rigueur, mais je me demande si cet adoucissement ne fut pas plutôt un raffinement de cruauté. Voici le fait :

Elle m’emmenait souvent chez une vieille dame très aimable et infirme et me laissait quelquefois chez elle pour lui tenir compagnie et la distraire par le récit de mes aventures. Miss Tibbie Ramsay (c’était son nom) habitait le cinquième étage d’une grande maison située dans une ruelle très étroite ; elle était très bonne pour moi et me contait les choses les plus intéressantes sur l’histoire de l’Écosse. Je dois ici ouvrir une parenthèse pour dire que de la fenêtre de sa chambre, on voyait à travers la rue une meurtrière de la maison d’en face destinée à éclairer l’escalier. Cet après-midi-là, Miss Grant m’avait laissé chez sa vieille amie, qui me parut distraite et préoccupée ; moi-même, je ne me sentais pas très à l’aise, car sa fenêtre était ouverte et il faisait froid.

Tout à coup, j’entendis la voix de Miss Grant à une petite distance.

« Par ici, Shaws ! criait-elle, regardez bien par la fenêtre ce que je vais vous montrer. »

C’était assurément le plus beau spectacle que j’eusse jamais vu :

La rue était ensoleillée, on y voyait donc parfaitement.