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inquiétude elle était pour son père, et aussi pour vous (quoique bien inutilement). Elle me confia dans quelle perplexité elle s’était trouvée après votre départ. « Alors, ajouta-t-elle, je me suis rappelée que nous sommes du même sang et que monsieur David vous avait appelée « Belle entre les Belles », et je me suis dit : Si elle est belle, elle sera bonne, et c’est ce qui m’a décidée à venir… » Je vous ai pardonné alors, monsieur Balfour : près de moi, vous paraissiez sur des charbons ardents, vous étiez pressé de nous quitter, mes sœurs et moi ; cependant, j’apprenais enfin que vous aviez daigné remarquer mes faibles charmes. De cette heure, vous pourrez dater mon amitié pour vous.

— Ne me tourmentez pas trop ! Vous ne vous rendez pas justice d’ailleurs ; je suis sûr que c’est Catriona qui vous a bien disposée pour moi, elle est trop naïve pour s’apercevoir de la gaucherie de son ami.

— Je n’en crois rien, monsieur David, elle a de bons yeux !… Mais enfin, elle est réellement « votre amie », ainsi que j’ai pu le voir. Je la conduisis donc chez mon père et comme son vin clairet l’avait bien disposé, il fut assez bon pour nous recevoir. « Voici « les yeux gris » dont vous avez eu les oreilles rebattues tous ces jours-ci, lui dis-je, elle est venue nous prouver que nous avions raison de vous parler de sa beauté, je remets entre vos mains la plus jolie fille des trois royaumes de Lothian (inutile de spécifier que je faisais exception pour moi-même). » Elle s’agenouilla devant lui. Je ne voudrais pas jurer qu’il ne vît deux personnes en elle, car vous n’êtes tous, vous autres hommes, qu’un tas de mahométans ; enfin, elle fut irrésistible : elle lui dit ce qui venait de se passer ce soir-là, et comment elle avait empêché le serviteur de son père de vous suivre, dans quelle situation cela la mettait vis-à-vis de lui et combien elle craignait pour vous-même ! Elle me supplia en pleurant pour