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de la fable : je vois la perle — et j’aime à la contempler — mais le moindre grain de mil ferait bien mieux mon affaire.

— Bravissimo ! cria-t-elle, voilà qui est bien dit, et vous allez être récompensé par le récit que je vais vous faire. Le soir même de votre désertion, je revenais tard d’une maison amie (où j’avais été très admirée, ne vous en déplaise), on m’annonça qu’une jeune fille en tartan écossais m’avait attendue et désirait me parler. Elle était là depuis plus d’une heure me dit le domestique et elle pleurait tout bas en attendant. J’allai aussitôt la trouver et au premier regard, je la reconnus, c’était « les yeux gris ». — Vous êtes bien miss Grant », demanda-t-elle en se levant et en me regardant d’un air suppliant, puis elle s’interrompit : « Il avait dit vrai : vous êtes belle, très belle en tout cas. — Je suis telle que Dieu m’a faite, ma chère ; mais je voudrais bien savoir ce qui vous amène à une heure si avancée ? — Madame, me répondit-elle, nous sommes parentes, nous avons toutes les deux dans les veines le sang des fils d’Appin. — Ma chère, je ne me soucie ni d’Appin, ni de ses fils, les larmes que je vois sur votre visage plaident mieux en votre faveur. » Et je fus assez faible pour l’embrasser (ce que vous voudriez tant pouvoir faire, mais vous n’oserez pas, je gage !). J’ai dit que c’était là une faiblesse de ma part, car je ne savais rien d’elle, mais il se trouva que j’avais bien fait ; elle doit être peu habituée à la tendresse, car, à ce baiser, bien léger, je l’avoue, elle m’ouvrit tout son cœur. Je ne trahirai jamais les secrets de mon sexe, monsieur David, je ne vous dévoilerai jamais comment elle me retourna le cœur, parce qu’elle s’y prendra de la même manière avec vous. Oui, elle est belle, et elle est pure comme l’eau de roche !

— Oh ! pour cela, oui ! m’écriai-je.

— Donc, elle me conta tous ses malheurs et dans quelle