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vous-même que vous aviez intérêt à ce que l’on crût qu’il existait entre nous un lien d’amitié ? »

Je m’arrêtai tout à coup, confondu d’avoir été si loin. Il me regardait avec un visage impénétrable.

« Milord, repris-je, veuillez me pardonner, je ne dispose que du grossier langage d’un campagnard. Je trouve qu’il serait bien à moi d’aller voir mon amie dans sa prison ; mais je vous dois la vie, je ne l’oublierai jamais, et si l’intérêt de Votre Excellence est en jeu, je ne bougerai pas d’ici. C’est de la simple gratitude.

— Vous auriez pu me dire cela sans tant de paroles, fit-il avec une grimace. Un simple « oui » écossais eût été plus aimable.

— Ah ! mais milord, vous ne me tenez pas encore, m’écriai-je ; je reste, je ne m’en vais pas d’ici, par égard pour vous, par reconnaissance pour la vie que vous m’avez conservée, et pour l’amitié que vous me témoignez ; c’est seulement pour cela que je reste, mais je n’accepte aucun avantage qui pourrait en découler. Si je suis obligé de demeurer ici et loin d’elle pendant son procès, je ne veux que cela me profite en rien ; je consens bien à y perdre, mais je n’entends pas y gagner. J’aime mieux faire un plongeon complet que de rien édifier sur cette base. »

Il demeura sérieux une minute, puis sourit.

« On dirait que vous tombez de la lune ! dit-il, mais vous serez satisfait cette fois. Je vais seulement vous demander un petit service et après, vous serez libre. Mes clercs sont débordés de travail en ce moment, soyez assez bon pour me copier ces quelques pages, et, quand ce sera fait, je vous souhaiterai bon voyage. Ce n’est pas moi qui me chargerai jamais de la conscience de monsieur Balfour ! et s’il vous arrive d’en laisser quelque morceau aux buissons du chemin, croyez-moi, vous n’en marcherez que plus à votre aise.