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qu’elle vienne y occuper une place qui lui était réservée.

Celle-ci avait des yeux superbes, brillants comme des étoiles, et je m’imagine que les yeux sont bien pour quelque chose dans le phénomène que je viens d’indiquer ; pourtant, ce que je me rappelle le plus clairement, c’est la façon délicieuse dont ses lèvres étaient entr’ouvertes lorsqu’elle se retourna. Quoi qu’il en soit, je fus cloué sur place, troublé et ravi de sa beauté. De son côté, comme elle ne s’était pas doutée de ma présence, elle me regarda un peu plus longtemps et avec un peu plus de surprise qu’il n’eût fallu pour ne pas dépasser les bornes de la politesse. En vrai provincial que j’étais, il me vint à l’esprit qu’elle admirait mes habits neufs ; cela me fit rougir jusqu’à la racine des cheveux, et la vue de cette rougeur subite provoqua sans doute en elle quelques réflexions, car elle attira ses montagnards plus loin dans la ruelle, et renoua avec eux la dispute dont il ne me fut plus possible d’entendre un mot.

Il m’était certainement arrivé, avant cette aventure, d’admirer une belle jeune fille, quoique pas toujours si soudainement ni si fort, et mon habitude, dans ces cas-là, était plutôt de battre en retraite, car j’étais timide et je craignais beaucoup les railleries féminines. Vous pourriez donc croire que j’avais toute raison, cette fois, de poursuivre ma pratique ordinaire, je venais, en effet, de rencontrer cette jeune fille dans un quartier inconnu, suivant très probablement un prisonnier et accompagnée par de quasi-mendiants. C’en était assez pour calmer mon ardeur, mais ici se présentait une circonstance dont je devais tenir compte : il était clair que la dame croyait que j’avais écouté ses secrets et, avec mes habits neufs, mon épée, au début de ma nouvelle fortune de gentilhomme, cette pensée m’était insupportable. Je ne pouvais me résigner à être pris pour un espion ou,