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jointes à la missive de Prestongrange ? Ce qu’il y avait de plus étonnant, c’est qu’on eût jugé utile de me donner cette agréable nouvelle pendant que j’étais encore sur le Bass. Miss Grant était la seule que je pusse soupçonner d’être l’auteur du billet. Je n’avais pas oublié qu’elle et ses sœurs avaient baptisé Catriona « les yeux gris » ; puis, en manière de plaisanterie, elle avait employé avec moi cet accent rustique que je retrouvais dans l’orthographe de la lettre.

J’avais peine à croire que Prestongrange lui eût confié une affaire si secrète, à moins qu’elle n’eût su prendre sur lui plus d’ascendant que je ne l’avais cru. Je me rappelais aussi le caractère conciliant de l’avocat général, qui ne se départait jamais de ses manières douces et cauteleuses. Supposant que ma réclusion m’avait blessé, il avait inventé ce baume et avait laissé passer ce message amical. Ne savais-je pas comment il s’entendait à mêler les caresses aux menaces ?

Si telle avait été son intention, j’avoue que son but fut atteint. Ma colère ne résista pas à l’évocation des « yeux gris », je me sentis repris par les sentiments les plus égoïstes ; j’escomptais déjà la récompense offerte pour ma discrétion et qui ne pouvait être autre que la présence et l’amitié de Catriona. « En vain, dit l’Écriture, le filet est-il tendu sous les yeux des oiseaux ? »

L’homme n’est pas plus sage que l’oiseau ! je voyais le piège et j’allais m’y laisser prendre.

J’en étais là, mon cœur battait d’émotion, les yeux gris de Catriona brillaient devant moi comme deux étoiles, quand Andie vint tout à coup rompre le charme.

« Je vois que vous avez eu de bonnes nouvelles ? » dit-il. Tout en parlant, il me dévisageait avec curiosité. À l’instant, la vision de James Stewart et de la Cour d’assises envahit mon esprit, et ma volonté se retourna