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parfois, je m’endormais, mais la cour d’assises d’Inverary, l’accusé regardant de tous côtés pour chercher son témoin absent, ce tableau m’obsédait dans le sommeil et je m’éveillai en sursaut, baigné de sueur, et avec une sensation de douleur intense. J’avais bien vu qu’Andie me regardait de loin, mais je n’y avais pas fait attention ; à ce moment-là, vraiment, la vie m’était à charge et le pain me semblait amer.

De bonne heure, le lendemain matin (vendredi 22), un bateau arriva avec des provisions et Andie me remit un paquet. Il n’y avait pas d’adresse, mais seulement le sceau du gouvernement. Dans le paquet, je trouvai deux billets. Le premier que j’ouvris était conçu en ces termes :

« Monsieur Balfour doit voir maintenant qu’il est trop tard pour intervenir. Sa conduite sera appréciée et sa discrétion récompensée. »

Cela paraissait avoir été écrit maladroitement et de la main gauche. L’auteur avait pris toutes les précautions pour ne pas se compromettre ; le cachet qui servait de signature était apposé sur une feuille distincte où il n’y avait pas trace d’écriture. Je dus reconnaître l’habileté de mes adversaires et je digérai tant bien que mal la menace cachée sous la promesse.

Le second billet était bien plus surprenant encore, il était écrit de la main d’une femme. Le voici textuellement :

« Monsieur David Balfour est informé qu’une amie a veillé sur lui et cette amie a les yeux gris. »

Je demeurai stupéfait ; un billet si étrangement conçu et tombant entre mes mains à un tel moment et avec le sceau du gouvernement ! Les yeux gris de Catriona me revinrent en mémoire. Avec un élan de joie, je pensai que c’était elle qui devait être « l’amie » en question. Mais qui pouvait bien avoir écrit ces lignes et les avoir