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Andie avait à peine terminé son récit que Neil prit la parole. Grand conteur lui-même, il connaissait toutes les légendes des Highlands et était très jaloux de sa science qui lui valait une certaine considération parmi ses camarades. Le conte d’Andie lui en rappela un autre qu’il avait entendu raconter.

« Cette histoire est connue, dit-il, c’est celle de Uistean More M’Gillie Phadrig et Gavar Vore.

— Ce n’est pas vrai ! s’écria Andie, c’est celle de mon père et de Tod Lapraik ! Je vous donne un démenti et je vous prie de vous taire ! »

Quand on a vécu avec les Highlanders, on sait combien ils ont déjà de la peine à rester en bonne intelligence avec des Lowlanders nobles, mais leur haine dépasse toute mesure quand ils ont affaire à des gens du peuple. J’avais remarqué qu’ils étaient toujours sur le point de se quereller et j’allais maintenant assister à la dispute et y prendre part.

« Vos paroles, dit Neil, ne sont pas celles que l’on emploie avec des gentlemen !

— Gentlemen ! s’écria Andie, des gentlemen ! Vous Highlanders ! si Dieu vous accordait la grâce de vous connaître vous-mêmes tels que vous êtes, vous abandonneriez vite cette prétention ! »

On n’entendit qu’un juron et Neil brandit le « couteau noir ».

Voyant qu’il n’y avait pas une minute à perdre pour éviter un malheur, je saisis le farouche Highlander par la jambe ; il tomba et je m’emparai de sa main armée avant de savoir au juste ce que je faisais. Ses camarades aussitôt vinrent à son secours ; Andie et moi n’ayant pas d’armes et n’étant que deux contre trois, nous pouvions tout craindre quand, subitement, Neil s’arrêta, ordonna aux autres de se retirer et me fit sa soumission de la manière la plus humble, allant même jusqu’à me livrer