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plus précieux ?), tout en étant de vieilles femmes cassées et des hommes infirmes, aux portes du tombeau. Alors, je me souviens de Tod Lapraik dansant sur l’herbe avec une si visible volupté. Nul doute que pour cette volupté, ils brûlent après dans l’enfer, mais ils en ont joui du moins ! — et puis quelquefois, Dieu pardonne !

Cependant, nous aperçûmes tout à coup le pavillon au grand mât de notre barque. Sandie n’attendait que ce signal ; il ajusta de son mieux le fantôme et tira. En même temps que la détonation, un cri strident se fit entendre, le coup avait porté : nous eûmes beau nous écarquiller les yeux et nous demander si nous étions bien éveillés, nous ne vîmes plus rien que la pelouse vide où une minute auparavant dansait encore le sorcier !

Nous restâmes abasourdis de cette subite disparition, et en revenant à la maison, nous échangeâmes à peine quelques mots. Lorsque nous arrivâmes, le quai était couvert de la foule qui nous attendait.

Quand mon grand-père était revenu, il avait trouvé Lapraik en proie à un de ses évanouissements, la navette à la main, dans sa chambre. Les voisins s’étaient réunis, on avait envoyé un enfant au port pour hisser le pavillon et on était resté auprès de Tod pour voir ce qui allait se passer. Personne n’était très à son aise, comme vous pensez, mais Dieu se servit de cet événement pour toucher le cœur de plusieurs qui se mirent à prier et à regretter leurs fautes.

À un certain moment (peu après que le signal eut été donné), Lapraik avait poussé un grand cri et, devant tous les spectateurs, était tombé comme une masse, le corps ensanglanté.

Après examen, on reconnut que les balles de plomb n’avaient pas pénétré dans le corps du sorcier, mais le projectile d’argent de mon grand-père était resté en plein cœur.