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en mer ; quant à la maison de Tod, elle était dans la partie la plus obscure et personne ne la fréquentait sans nécessité. La porte était ouverte ce jour-là et mon père entra sans attendre. Tod était tisserand de profession ; son métier était dans la chambre et il était assis, tenant encore la navette, mais les yeux fermés et sur son visage blême, on voyait un sourire qui m’inspira un dégoût instinctif. Nous l’appelâmes par son nom, nous criâmes dans son oreille, tout fut inutile : il demeura sur son siège, la navette entre les mains, sans donner signe de vie.

« Dieu nous ait en sa sainte garde, dit Tam Dale, cela ne veut rien dire de bon ! »

Il avait à peine fini de parler, que Tod Lapraik revint à lui.

« C’est vous, Tam ? dit-il. Attendez, l’ami. Je suis content de vous voir. Je suis sujet à des évanouissements comme celui-ci, cela vient de l’estomac. »

Alors, ils se mirent à causer du Bass et agitèrent la question de savoir lequel des deux en obtiendrait la garde. Peu à peu, ils commencèrent à se quereller et en vinrent à échanger des injures. Je me rappelle parfaitement qu’en revenant à la maison, mon père me répéta à plusieurs reprises qu’il n’aimait pas les allures de Tod Lapraik, ni ses évanouissements.

« Des évanouissements ! assurait-il, peu de gens en ont de cette espèce. »

Cependant, mon père obtint la garde du Bass et Tod dut y renoncer. On s’est toujours rappelé depuis comment il avait pris sa déconvenue. « Tam, avait-il dit, vous l’avez emporté sur moi une fois de plus, et j’espère que vous trouverez dans l’îlot tout ce que vous attendez. » Ces paroles furent très remarquées plus tard.

Le moment vint bientôt de s’emparer des jeunes oiseaux (fous de Bassan). C’était là une besogne que