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Sans doute, cette aventure eut quelque influence sur Tam Dale, mais l’impression passa vite et il n’en devint pas meilleur. Un jour, il se disputait avec des camarades. « Que le diable m’emporte ! » s’écria-t-il, car il jurait comme un païen. Peden était là, le regardant, calme et triste, Peden enroulé dans son manteau, la main tendue avec les ongles noirs, car il dédaignait les soins du corps.

« Fi ! fi ! pauvre homme, dit-il, pauvre fou ! Que le diable m’emporte, dit-il, et je vois le diable à côté de lui. »

Tam, cette fois, fut touché par la grâce, il jeta le mousquet qu’il avait à la main.

« Je ne porterai plus jamais les armes contre le Christ ! » s’écria-t-il. Et il fut fidèle à sa parole. Il eut une belle lutte à soutenir d’abord, mais le gouverneur, le voyant résolu, lui accorda son congé. Il s’en fut habiter North Berwick, il s’y maria et, à dater de ce jour, ne cessa pas de se conduire en honnête homme.

Ce fut dans l’année 1706 que le Bass devint la propriété des Darymples, et deux hommes en sollicitaient la garde. Tous les deux étaient bien qualifiés pour cela, car ils avaient été soldats dans la garnison et savaient la manière de s’emparer des « fous », les saisons favorables à la chasse, la valeur de ces palmipèdes, etc. Ils étaient d’ailleurs également covenantaires, bons presbytériens et d’instruction suffisante. L’un était Tam Dale, mon père ; l’autre était un certain Lapraik, qu’on appelait Tod Lapraik, je n’ai jamais su pourquoi. Quand Tam alla voir Lapraik au sujet de cette affaire, il m’emmena ; j’étais alors un petit garçon à qui l’on donnait encore la main. Tod habitait sur le long chemin en dessous du cimetière. C’est une ruelle sombre et triste qui avait toujours eu un mauvais renom depuis le temps de Jacques VI, car le diable y exerçait ses charmes quand la reine était