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pieux l’impressionnaient vivement, il lui semblait que le vieux rocher était devenu un coin du ciel ; la honte emplissait son âme, ses péchés apparaissaient devant lui pour le condamner et, en particulier, le plus grand, celui de participer à la persécution des serviteurs du Christ. Malheureusement, ces bonnes dispositions s’évanouissaient au lever du soleil, il retrouvait ses joyeux camarades et résistait à la grâce.

Il y avait à cette époque parmi les prisonniers un homme de Dieu que l’on appelait Peden le Prophète. Vous avez certainement entendu parler du prophète Peden ? On n’a jamais vu son pareil, il était sauvage comme une sorcière, terrible à voir, terrible à entendre, son visage faisait penser au jugement dernier, sa voix avait le même timbre que celle des oiseaux de mer et vous pénétrait jusqu’à la moelle des os, sa parole était de feu.

Or, il y avait une femme sur le Bass qui, je crois, n’avait pas grand’chose de bon à faire, car ce n’était guère la place d’une honnête femme ; mais elle était jolie et elle et Tam Dale s’entendaient très bien ensemble. Un jour que Peden était au jardin en train de prier, Tam vint à passer avec la fille et elle se mit à rire et à se moquer du saint. Il se leva, les regarda tous les deux, et les genoux de Tam claquèrent sous ce regard. Puis, quand il parla, ce fut d’un ton chagrin plutôt qu’irrité. « Pauvre petite ! Pauvre petite ! dit-il en la regardant, je vous entends rire et bavarder, mais le Seigneur prépare pour vous un coup mortel, et à ce jugement terrible, vous ne pousserez qu’un cri. »

Quelque temps après, elle flânait sur les rochers en compagnie de deux ou trois soldats et c’était un jour de tempête. Il arriva tout à coup une telle rafale, que le vent s’engouffra sous ses jupes et l’entraîna dans la mer. Les soldats remarquèrent qu’elle n’avait poussé qu’un seul cri.