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— Que peut-il y avoir de plus à craindre que des revenants ?

— Des sorciers. Or, il y en a eu ici au moins un, c’est une curieuse histoire ; si vous voulez, je vous la dirai. »

Nous le priâmes aussitôt de nous la raconter, et même l’Highlander qui, des trois, savait le moins d’anglais, se mit à écouter de toutes ses oreilles.

LE CONTE DE TOD LAPRAIK

Mon père Tam Dale (paix à ses cendres !) fut un garçon hardi, indépendant, peu sage, et encore moins aimable.

Il aimait le vin, les femmes, les aventures, et je n’ai jamais ouï dire qu’il fût très ardent au travail.

Il finit par s’engager et on l’envoya en garnison ici, ce fut ainsi que les Dale mirent le pied sur le rocher de Bass. Triste garnison ! Le gouverneur brassait lui-même sa bière, cela semble à peine croyable. Les approvisionnements venaient de terre, mais le service étant mal organisé, il y avait des moments où l’on n’avait pour ressources que la pêche et la chasse des oiseaux de mer. De plus, c’était le temps des persécutions. Toutes les cellules glaciales furent occupées par des saints et des martyrs, le sel de la terre, dont elle n’était pas digne. Et quoique Tam Dale ne fût qu’un simple soldat et malgré son goût pour le vin et les femmes, il n’était que tout juste content de sa position. Il lui venait des lueurs de justice ; il y avait des heures où il ne pouvait contenir son indignation en voyant maltraiter les saints de Dieu et il était honteux d’y prêter la main en portant le mousquet du soldat ; il y avait des nuits où il était de garde en plein hiver, alors que le froid faisait fendre les murailles et il entendait l’un des prisonniers entonner un psaume aussitôt répété par tous les autres. Ces chants